Quatre heures du matin. La réunion avec La Générale touche à sa fin. C’est pas trop tôt. Depuis le temps que ces réunions ne servent à rien, tout le monde au camp se demande pourquoi La Générale tient tant à les maintenir. Sans doute espère-t-elle encore que la situation s’améliore. Sans doute est-elle nostalgique de l’époque où les réunions du Q.G. étaient efficaces et nécessaires. Lorsqu’il y avait une population importante à organiser, des crises vitales à gérer et des incidents réguliers à contenir.
Je n’ai d’ailleurs jamais vraiment compris pourquoi on l’appelait La Générale, d’autant qu’à ma connaissance elle n’a jamais été dans l’armée. Elle en porte toutefois très élégamment l’uniforme, le kaki du tissus rehaussant à la perfection son teint clair, ses yeux verts et ses cheveux sombres toujours tirés en queue de cheval –sans doute pour se donner un air plus strict.
L’âge de La Générale est un mystère. Elle est dotée du corps élancé d’une jeune trentenaire sportive, avec une poitrine haute et des jambes galbées, mais d’aussi loin que mes souvenirs remontent, elle a toujours été là, à la tête du Q.G. –et cela fait maintenant vingt-et-un hivers depuis le Grand Changement. Je ne me souviens plus vraiment du Grand Changement, mais on m’en a beaucoup parlé. Pour faire court et ne pas vous ennuyer, le monde virtuel que nous avions créé en 2103 pour permettre une meilleure optimisation de l’espace planétaire est devenu suffisamment puissant pour devenir autonome et à l’aide de petits malins inconscients, les données virtuelles ont progressivement pris le contrôle de l’Humanité. Industries pharmaceutiques, informatiques, armement, de transport, services, machines agricoles… Tout est désormais contrôlé par des machines.
Magnanimes, elles ont toutefois accepté de maintenir un «territoire libre» sur la Planète, pour que nous puissions y vivre sans leur assistance. En réalité, ce territoire ressemble plus à une réserve qu’autre chose. Nous y sommes parqués comme des animaux et chaque année, le territoire se réduit tandis que le reste de l’Humanité a accepté de se soumettre à ces nouvelles puissances. Toutefois, nous gardons espoir et lors de réunions comme celles-ci, nous faisons le compte des nôtres et envoyons régulièrement des «missions humanitaires» rechercher de probables survivants ailleurs, pour les ramener ici. Malheureusement, le temps passant, les missions s’espacèrent ou leurs membres ne revinrent plus et depuis deux ans, la situation se dégrade notablement. ! Mais voilà, ce soir, La Générale remet ça et appelle aux volontaires pour une «mission humanitaire» supplémentaire. Elle m’agace, avec son petit air pincé et ses jupes toujours droites, toujours impeccables. Quand comprendra-t-elle que de l’espoir, il n’y en a plus ? Que ces missions ne servent qu’à réduire le nombre des survivants et que nous avons besoin d’eux, ici, chez les Humains et pas en vadrouille on ne sait où dans le monde des Machines. Je me lève, il faut que je parle et m’oppose à cette idée absurde.
– Ecoutez tous. Depuis quand avons-nous vu revenir nos missionnaires avec des rebelles convaincus ? Depuis quand, d’ailleurs, avons-nous vu revenir nos missionnaires tout court ? C’est bien cela, plusieurs années.
Silence gêné dans l’étroite salle sombre. L’ampoule électrogène grésille légèrement. La Générale me fusille du regard.
– Où voulez-vous en venir jeune…?
– Céline. Je m’appelle Céline. Comme Louis Ferdin… Ouais, en fait on s’en fout. Toujours est-il que j’en ai ma claque de voir tous nos efforts s’épuiser dans ces missions qui ne nous apportent rien de bon ! Pourquoi ne pas plutôt concentrer le peu de forces qui nous restent à trouver des solutions à cette situation qui ne peut plus durer ?
Le silence dure encore quelques longues secondes. Puis La Générale le brise à nouveau.
– Bon, il se fait tard, rentrez donc vous coucher. Nous reparlerons de tout ça lors de la prochaine réunion. Quant à vous, Céline, restez ici, j’aimerais m’entretenir avec vous au sujet de votre intervention.
Le ton est cassant et n’annonce rien de bon.
Les autres quittent la pièce et bientôt, il n’y a plus qu’elle, moi et les murs froids.
– Vous vouliez me voi- ?
– Tais-toi. C’est moi qui pose les questions. Pour qui te prends-tu ?
La dureté de ses propos me surprends. Me faire remonter les bretelles, oui, je m’y attendais. Mais à ce point…
– C’est une question rhétorique. Tu n’es personne. Désormais, tu te tairas pendant les réunions. Ici, c’est moi qui commande. Est-ce clair ?
Le rouge me monte aux joues. Pour qui se prend-elle, celle-là, avec ses airs de pimbêche coincée et son uniforme qui n’est probablement même pas un vrai ? Je serre les poings. Elle le voit et se moque de moi. J’ai envie de la frapper. Ce serait facile : je suis bien plus fort qu’elle. J’essaie de rétorquer, mais elle s’avance vers moi et d’une main vient serrer ma gorge. Les sons ne sortent plus, ça a l’air de l’amuser.
Elle me relâche mais, pris d’une rage folle, je me jette sur elle. Je suis sûr de la vaincre : je suis un Homme ! D’une taille moyenne mais respectable, le torse épais et parsemé de poils bruns, j’ai des mains larges et des épaules solides. Des cuisses tout aussi musclées par mes nombreuses rondes autour du Territoire.
Je la bouscule, elle tombe –ou bien l’a-t-elle fait exprès ?– et m’entraine dans sa chute. Nous sommes maintenant tous deux sur le sol froid et elle maintient fermement entre ses bras mon cou, forçant mon visage contre sa poitrine fermement maintenue par le tissus tendu. Je la repousse, n’arrivant pas à respirer à mon aise. Tout ça a l’air étonnamment de beaucoup l’amuser.
Je me débats, parviens enfin à m’extraire de son étreinte. Comment en est-on arrivés à cette situation… quelque peu étrange ? Elle semble tout à fait à son aise et me sourit, la jupe remontée haut sur les cuisses. J’ai l’impression d’être une souris dans les pattes d’un chat sadique.
Une érection impromptue vient distraire mes pensées. Elle aussi l’a visiblement remarquée. Gêné, je recule sur mes coudes et tente de me relever. Mais elle a dégrafé deux boutons à sa chemise, remonté sa jupe sur ses hanches et vient vers moi à quatre pattes, démarche féline s’il en est. Je tente d’échapper à ses griffes mais elle est plus rapide et a fait son nid sur… mon visage, que ses muscles fessiers enserrent, aidés de ses cuisses fermes.
Evidemment, toute tentative de dégagement est vaine, notamment une fois qu’à l’aide de ses doigts longs parvenus sous mon pantalon, elle m’en ait passé totalement l’envie. Ses caresses sont synchronisées avec le frottement de son entrejambe sur mon visage et je sens peu à peu mes résistances me quitter. Elle serre ses cuisses et alors que le sang n’afflue plue dans ma tête, m’enlève mon pantalon comme si j’étais une poupée de chiffons. Me voilà cul nul, chevauché par La Générale, qui tient plus de la tigresse manipulatrice que de l’humanoïde bipède lambda.
Pendant qu’elle s’amuse à successivement caresser et effleurer de sa langue le bout de mon gland, la proximité qu’il y a entre son entre-jambe et mes lèvres, séparées seulement du tissus de son sous-vêtement, me donne des envies dégradantes. Pour elle, dégradantes pour elle. Aussi, effectuant un léger mouvement du menton, je profite du court répit que me donnent ses cuisses pour m’en extraire, m’aidant de mes mains.
Maintenant que je suis libre, et plein de désir, elle va voir ce qu’elle va voir ! Et il faut dire que son petit regard coquin n’arrange pas son cas. Je reproduis les mouvements que je l’ai vue utiliser sur moi, commence par lui serrer le cou de ma main puis, peu fier de cette victoire, ne résiste pas à l’attraction de sa poitrine qui semble n’attendre que moi. Une main sur sa gorge, la langue sur ses seins, mon autre main commence par caresser l’intérieur d’une de ses cuisses. Il s’agit de faire monter en elle le désir aussi puissamment qu’elle l’a fait monter en moi –et rira bien qui rira le dernier.
Mes doigts qui se rejoignent dans sa nuque resserrent leur emprise à mesure que j’approche de son intimité. La force de ma main est à son paroxysme lorsque j’écarte enfin le tissus qui alors qu’elle me tenait entre ses cuisses, me narguait. Tremblant de pulsions qui ne souffraient plus d’être réfrénées, j’approche mon sexe du sien et alors que je pensais enfin obtenir ma libération –et mettre fin aux longs mois d’abstinence sexuelle dus au manque de femmes disposées aux activités sexuelles– voilà qu’en me tordant le bras fatigué de lui serrer le cou, La Générale a repris le dessus.
– Eh bien alors, mon joli ? Tu pensais t’en tirer comme ça ?
Ma nuque est à son tour maltraitée et amenée avec insistance entre ses cuisses. On m’ordonne de lécher et je m’exécute. Ce n’est certes pas ce à quoi je m’attendais et mon désir en devient presque insoutenable, mais c’est déjà ça. A vrai dire, cela fait si longtemps que je n’ai pas goûté une femme que j’en ai oublié la saveur. Est-ce à ce point inodore ?
Je ne me pose pas longtemps la question ; mes bras plaqués et tordus dans mon dos m’indiquent une nouvelle position à adopter. Me voilà maintenant les poignets attachés par sa ceinture derrière ma nuque, inconfortablement allongé sur le dos.
A genoux au-dessus de moi, elle me nargue. Promet un contact chaleureux imminent qu’elle ne m’offre finalement pas, et alors qu’excédé j’avais fini par faire un trait sur une pénétration classique (imaginant qu’elle irait probablement titiller d’autres parties de mon corps habituellement réservées à d’autres activités), elle s’assoit enfin sur moi, me prenant en elle jusqu’à ce que je sente couler sur mon ventre et mes aines le liquide chaud auparavant goûté. Il semble plus abondant encore que la dernière fois mais les sensations sont si exquises qu’elles m’extraient un cambrement et des vas-et-viens saccadés par les mouvements cycliques des hanches de mon Amazone.
Mais visiblement, mes mouvements ne sont pas au goût de La Générale, qui crispe ses doigts sur ma nuque encore une fois. La jouissance est subite et inattendue, et très rapidement suivie d’une chute dans l’inconscience la plus totale.
A mon réveil, je suis entièrement nu. Je voudrais m’étirer mais mes gestes sont entravés par des contraintes métalliques qui semblent cylindriques et plutôt rigides. Dans la pénombre, je distingue d’autres silhouettes, masculines aussi, plus ou moins animées. Je m’agite, tente de me libérer de mon étreinte d’acier.
– Calme-toi, Rookie. T’es là pour un bout de temps.
– Ouais, ça sert à rien, on a déjà tous essayé. C’pas la peine de continuer. Elle les contrôle.
– Elle ? je demande.
– Ben ouais. La Générale. C’est un robot humanoïde. Et ces liens sont mécaniques. Tu t’en déferas pas, j’te dis. Mais si tu t’appliques, t’auras le droit de t’soulager régulièrement.
Crédit photo : © Adelythe Wilson